Général

Une communauté de pratique est comparable à un organisme vivant : elle possède son propre cycle de vie. Même si chaque communauté se développe à son propre rythme, toutes évoluent en passant par différents stades. Dans leur modèle, Wenger, Mc Dermott et Snyder (2002) en identifient cinq : potentiel, unification, maturité, momentum et transformation. Bien que les communautés du projet Health CoP aient permis d’observer ces différentes étapes, ce modèle a été adapté pour correspondre au vécu de ces CoP sollicitées. Contrairement à celui de Wenger  al. (2002), ce nouveau modèle n’est pas linéaire et offre ainsi la possibilité de rétroactions, et également celle de dissolution prématurée.

• Stade du potentiel : À ce stade, l’idée de rassembler plusieurs personnes pour développer un projet émerge. C’est une éventualité qui peut ou non prendre forme. L’information prime dans cette étape. Dans le cas de CoP sollicitées, il s’agit d’identifier des professionnels disposant d’un profil donné, de discuter ce choix avec des responsables et des représentants de la fonction. Si un premier avis positif émerge, un contact plus massif de membres potentiels est nécessaire.
• Stade de l’identité : Cette deuxième étape permet aux membres de créer une identité de groupe. C’est un passage obligé au cours duquel les membres apprennent à se connaître, définissent ensemble le projet de la CoP, déterminent leur mode de fonctionnement et développent un vocabulaire commun. Cette étape prend du temps, mais il est possible d’organiser des activités pour la stimuler. Si une CoP n’arrive pas à construire son identité, autrement dit si la cohésion de groupe et le sentiment d’appartenance ne se développent pas, que ce soit par manque d’intérêt, par absence de projet commun ou d’un mode de fonctionnement opportun, il y a dissolution du groupe.
• Stade du partage : Lors du partage, les membres échangent leurs connaissances. Chacun dévoile une partie de ses pratiques. Il s’agit principalement de discussions, de partage d’informations et de ressources. La difficulté est de ne pas demeurer dans ce stade, la CoP s’apparentant alors plutôt à un groupe de discussion. À long terme, il est fort probable que ses membres finissent par ne plus se rassembler, l’intérêt perçu à la sortie d’une réunion s’amenuisant avec le temps et la plus value perdant en légitimité pour les institutions qui libèrent leur personnel sans retour visible. Lors de cette étape, il est possible que de nouveaux membres entrent dans la CoP et qu’il soit nécessaire d'en reclarifier le but et le mode de fonctionnement. Mais il faut aussi que ces personnes y trouvent leur place. Un retour à l’étape d’identité est donc parfois nécessaire.
• Stade de la prospérité : C'est l'étape majeure d'une Communauté de Pratique. C’est celle de réalisation du projet commun, l’étape où les membres réifient par écrit leurs connaissances et en développent de nouvelles. La réification a été définie par Wenger (2005) comme le « processus qui consiste à donner une forme à notre expérience en créant des objets qui la cristallisent en une « chose » ». Bien que la réification trouve son origine dans le partage, la discussion ne suffit pas. Le travail des membres doit aller au-delà et se matérialiser afin de rencontrer l’objectif principal d’une CoP : la capitalisation des connaissances et la production de savoir. À nouveau, il est possible que les membres aient besoin de revenir à l’étape du partage pour échanger sur de nouveaux thèmes ou avec de nouveaux membres de la CoP. C’est un « pas en arrière » nécessaire pour continuer à prospérer.
• Stade de transformation/dissolution : Il arrive qu’à un moment, pour diverses raisons, la motivation des membres s’amenuise. De nouvelles ressources ne sont plus créées ou partagées, les personnes qui servent de moteur à la CoP la quittent ou se désinvestissent. La Communauté peut alors soit se transformer (fusion de plusieurs CoP, création d’une association professionnelle, division en plusieurs CoP…) soit se dissoudre.

Aucun de ces stades n’a une durée limitée dans le temps. Chaque Communauté de Pratique évolue à son propre rythme. Situer la CoP sur ce continuum permet de voir où en est son développement, d’estimer sa durée de vie et d’envisager un éventuel redéploiement, un renforcement des actions de soutien.