Théorie
Avant de se lancer dans la création de Communautés de Pratique, il convient de définir le domaine dans lequel s'insérer et d'identifier l'utilité d'y mettre en place un tel dispositif.
"Pourquoi ce domaine?", "Quelle sera la plus-value apportée ?", "Quels bénéfices pourront en tirer les membres?" sont autant de questions à se poser avant de lancer concrètement la communauté.
Une fois le domaine ciblé, l'étape suivante consiste en l'identification d'un ou de plusieurs groupes de professionnels. On observe deux tendances à ce niveau : rassembler des personnes exerçant une fonction différente mais ayant un projet commun ou, au contraire, exerçant la même fonction. Tout dépend des objectifs visés. À noter que lorsque le public-cible potentiel est peu connu des initiateurs de la démarche, il est intéressant de rencontrer quelques personnes qui ont une vision d'ensemble du public, mais aussi de leurs caractéristiques ainsi que des besoins qu'ils pourraient avoir.
Différentes stratégies peuvent être utilisées pour identifier les personnes susceptibles d'être intéressées par la démarche :
- la réalisation d'entretiens
- la passation de questionnaires
- les appels téléphoniques
- la consultation de listes de fonctions du secteur concerné
- la recherche d'information sur Internet
- ...
Quelle que soit la stratégie utilisée, il importe ensuite de définir, en regard du domaine et des groupes de professionnels choisis, des critères de sélection.
Exemples
Le projet Health CoP a pris le parti de développer des Communautés de Pratique virtuelles dans le domaine de la santé suite à trois constats (Snoeck & Grana, 2010) :
- Certains professionnels sont isolés dans leur institution et éprouvent donc des difficultés à échanger avec leurs pairs ;
- Trop peu de pratiques sont formalisées, ce qui amène une perte d'expertise lors de tout départ ;
- Dans le domaine de la santé, les TIC sont inexploitées ou exploitées de manière peu rentable.
Les bénéfices visés par le projet se situent sur deux plans. Tout d'abord, il s'agit, grâce au support des TIC, d'apporter aux professionnels un soutien face à leur isolement mais aussi de constituer, à terme, des capitaux réutilisables au sein des institutions, tant par les nouveaux praticiens que par les plus expérimentés. Ensuite, tous les patients des institutions partenaires en seront les bénéficiaires indirects et pourront profiter d'une augmentation de la qualité du travail accompli par les membres de ces communautés.
Pour définir les six communautés du projet, les chercheurs du CRIFA se sont, par exemple, entretenu avec des directeurs d’hôpitaux, ont eu des contacts informels avec des cadres de différentes institutions, ont effectué des recherches sur le Web (ex. décrets relatifs à de nouvelles fonctions). Ce sont parfois les membres des communautés déjà créées qui, connaissant bien le monde de la santé, ont suggéré l’un ou l’autre groupe-cible. La CoP des ILIG s’est, quant à elle, mise en place suite à une demande spontanée d’une des infirmières. Aussi, au fil des années, le projet s’est fait connaître à l’extérieur des murs de l’ULg. C’est ainsi que, lors d’un symposium sur la fonction de Coordinateur de Soins en Oncologie, les chercheurs du CRIFA ont pu identifier d’autres publics désireux de se rassembler en CoP, notamment les onco-psychologues. Enfin, c’est par ce biais également que la Fondation Contre le Cancer a contacté le CRIFA concernant son souhait de mettre en place une CoP pour les ICSO du côté néerlandophone du pays.
Au sein du projet Health CoP, les communautés ont été sélectionnées selon trois critères. Elles devaient rassembler des professionnels qui :
- n'ont pas la possibilité d'échanger avec des pairs au quotidien ;
- ont envie de partager, échanger, construire, réifier avec des pairs sur leurs pratiques ;
- ont accès aux technologies.
Il était essentiel que l'ensemble des critères soient rencontrés chez les professionnels. Pour preuve, en mai 2012, des Référents en Démence, déjà constitués en CoP, ont sollicité le CRIFA afin d'être aidés dans l'intégration des technologies au sein de leur communauté. Ces professionnels éprouvaient des difficultés à échanger avec leurs pairs et étaient motivés à l'idée d'échanger, de partager et de construire ensemble des connaissances. Cependant, plus de la moitié d'entre eux n'avaient pas la possibilité d'accéder à un ordinateur sur leur lieu de travail. Une part importante des échanges se déroulant à distance, le processus d'outillage technologique de cette CoP a avorté.